Les petits patrons manifestent en ce moment leur colère. Ce n'est pas la première fois vous me direz (l'image ci-contre est un dessin de presse du caricaturiste Urbs publié il y a un an). Nos représentants des chambres des métiers, l'UPA en tête, affichent sur de pleines pages de journaux leurs revendications. La CGPME dénonce le cadenassage des petites entreprises. Les PME du bâtiment sont éprouvées par une baisse d'activité continuelle. Les employeurs râlent contre la prise en compte de la pénibilité au travail de leurs salariés. Et si on faisait un peu le tri sur toutes ces récriminations ?
Les impôts ont augmenté pour les entreprises en 2014 ?
FAUX
En 2013 le CICE a permis une réduction des dépenses salariales de 2,2% en moyenne pour l'ensemble des entreprises. Ce chiffre sera probablement plus élevé en 2014. Certes le dispositif est compliqué, peu lisible, et mériterait d'être prorogé sous une forme plus simple mais les faits sont là : il y a bien eu un coup de pouce fiscal.
Les cotisations sociales des travailleurs indépendants augmentent sans cesse ?
FAUX
En 2013 j'ai vu en tant qu'artisan le taux global de mes cotisations sociales obligatoires (hors CSG-CRDS) passer de 38,25 à 38,05 %, ceci du fait de plusieurs réductions. Ce taux a été maintenu pour 2014 et va encore diminuer en 2015 avec une baisse des cotisations d'allocations familiales. La suppression du plafond pour les cotisations maladie (décidée en 2013) compense en partie cette baisse mais uniquement pour les hauts revenus.
Je ne dis pas que les charges sont faibles, loin de là, et je sais que pour certaines activités la tendance est à la hausse (les professions libérales notamment, qui ont vu leurs cotisations retraites sérieusement augmenter du fait d'un déficit chronique de la CIPAV), mais les faits sont là : une grande majorité de travailleurs non salariés voient leurs charges sociales baisser.
Les contraintes administratives tuent les entreprises ?
FAUX
Je devrais sans doute nuancer ma réponse pour m'éviter les foudres de ceux qui s'estiment pigeonnés voire tondus par le Système (j'ai mis une majuscule comme pour le Démon ou le Diable. Le Système est une sorte de monstre, une hydre à multiples têtes : Etat, Fisc, RSI, URSSAF, CIPAV, MSA,... que de farouches chevaliers tentent de couper à l'aide de poncifs aiguisés : haro sur le racketteur, sus au voleur, au tueur d'enfants, à l'assassin ! A noter que ce sont parfois les mêmes qui hurlent contre les contraintes administratives et qui refusent que le statut simplifié de l'auto-entreprise perdure).
Donc, après cet aparté, je nuance : les contraintes administratives ne tuent pas les entreprises mais leur compliquent la vie, c'est vrai. De là à devenir phobique de l'administratif comme un certain ex-secrétaire d'état ou a fermer la porte de sa boutique parce qu'on n'a plus le temps de remplir les formulaires, il y a encore de la marge. Réclamons que la simplification avance plus vite, certes, mais évitons peut-être ces images qui sont une insulte envers ceux qui connaissent aujourd'hui le véritable désespoir.
Les banques ne jouent pas leur rôle et enfoncent les petits entrepreneurs ?
VRAI
En grande partie en tout cas... À quand une mesure de coercition contre ces banques qui facturent des frais de commissions et de dépassement exorbitants à des petites entreprises dont la trésorerie est fragile ? Plutôt que de les aider à se sortir d'une conjoncture difficile ont les enfonce encore un peu plus. Ce n'est pas normal.
La Banque Publique d'Investissement devrait également être plus présente auprès des TPE. Lancée à l'automne 2012 pour aider financièrement les PME, j'ai l'impression qu'on assiste à un simple remplacement de ce qui existait avant (avec OSEO notamment) mais guère plus. Pourtant je m'aperçois que les outils existent, par exemple en cliquant sur les liens en bas de cette page, mais qu'ils ne sont pas assez mis en avant. Et puis la BPI semble ne pas être au rendez-vous concernant le financement des entreprises sociales et solidaires. Qu'attend-t-on ?
La concurrence déloyale est un véritable fléau ?
VRAI
Archi vrai, 100% vrai, surtout dans le domaine industriel et artisanal. J'en avais déjà parlé dans ce précédent article mais comment peut-on continuer à laisser des officines faire travailler des salariés low cost ? Qu'il y ait une libre circulation des travailleurs salariés au sein de l'Union Européenne, OK, mais qu'on encadre ça plus sévèrement !
Quant aux entreprises françaises qui font travailler ces salariés étrangers qu'elles sachent une chose : plus elles scieront de branches sur lesquelles sont assises les TPE, plus vite arrivera leur tour et sera leur dégringolade assurée !
Une entreprise sans client est une entreprise qui meurt !
VRAI
… (petits points de suspension pour signifier que tout est résumé dans cette lapalissade, le reste des difficultés ici soulevées n'en représentant que l'écume).
L'autre jour, dans un reportage télé, un chef d'entreprise venait nous expliquer que les charges étaient de plus en plus élevées pour faire vivre son entreprise. A ces difficultés s'ajoutait un carnet de commande qui faiblissait année après année. Son activité ? Restaurer les vitraux des églises. Je n'en reviens pas qu'un chef d'entreprise ne fasse pas le rapprochement entre recettes publiques (les impôts, les taxes, les charges, touça) et dépenses publiques (la culture, la restauration des monuments par exemple). Dois-je comprendre qu'il faut augmenter les impôts des uns pour diminuer ceux des autres ? Mais alors lesquels ?
Depuis 40 ans, de crises économiques en décisions politiques hasardeuses la France s'enlise chaque année un peu plus. Notre vieux pays a bien de temps en temps des soubresauts qui lui font croire que la fougue de sa jeunesse est enfin revenue, mais sa décrépitude est inéluctable. Le seul remède serait de transformer radicalement notre société. Mais pour aller vers quel monde ? Ceux qui veulent une révolution pour qu'on donne plus de droits et de moyens au peuple ne tomberont jamais d'accord avec ceux qui manifestent pour une plus grande liberté de ce même peuple. Ils ont pourtant l'impression d'aller dans le même sens, alors qu'ils ne font que nous tirailler et nous conduire... nulle part.
Au moins en ne bougeant pas je sais où je vais ! ;-)